Page:Poésies de Schiller.djvu/130

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Le jeune homme s’avance d’un pas incertain, sa main téméraire va toucher le voile sacré ; mais un frisson subit agite tous ses membres et un bras invisible le repousse au loin. ― Malheureux ! lui cria une voix intérieure, que vas-tu faire ? Veux-tu porter atteinte à la divinité ? Nul homme, a dit l’oracle, ne soulèvera ce voile, si je ne le seconde moi-même. Mais ce même oracle n’a-t-il pas ajouté : Celui qui arrachera ce voile verra la vérité ? ― Qu’importe ce qu’il y a là derrière ? s’écrie le jeune homme, je veux le soulever, je veux la voir. ― La voir ! répète l’écho railleur.

Il dit et enlève le voile. Demandez maintenant ce qu’il a vu. Je ne le sais ; le lendemain les prêtres le trouvèrent pâle et inanimé, étendu aux pieds de la statue d’Isis. Ce qu’il a vu et éprouvé, sa langue ne l’a jamais dit. La gaieté de sa vie disparut pour toujours. Une douleur profonde le conduisit promptement au tombeau, et lorsqu’un curieux importun l’interrogeait : Malheur, répondait-il, malheur à celui qui arrive à la vérité par une faute ! Jamais elle ne le réjouira.