Page:Poésies de Schiller.djvu/76

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Il frappe à la porte du château qu’elle habite, elle s’ouvre, et il entend ces terribles paroles : « Celle que vous cherchez porte le voile, elle est la fiancée du ciel. Hier on célébra la fête qui l’a consacrée à Dieu. »

Le chevalier abandonne pour toujours la demeure de ses ancêtres ; il ne revoit ni ses armes, ni son coursier fidèle : il descend de Toggenbourg sans qu’on le reconnaisse, car son corps est couvert d’un vêtement de crin.

Près du monastère qui s’élève au milieu d’une enceinte de tilleuls sombres, il s’en va construire une cabane. Là, du matin au soir il reste seul. Un rayon d’espérance éclaire son front. Ses yeux sont fixés sur le cloître, il regarde pendant de longues heures la fenêtre de sa bien-aimée : il attend que cette fenêtre s’ouvre, que la jeune religieuse apparaisse, que l’image charmante se montre dans la vallée avec son calme et sa douceur d’ange ; puis alors il se couche avec joie, il s’endort consolé, songeant à l’apparition heureuse du lendemain. Il passe ainsi de longs jours, de longues années, sans se plaindre, attendant que la fenêtre s’ouvre, que la jeune religieuse apparaisse, que l’image charmante se montre dans la vallée avec son calme et sa douceur d’ange. Un matin il resta là, mort, inanimé, le front pâle, le visage paisible tourné encore du côté de la fenêtre.