Page:Poésies de Th. Gautier qui ne figureront pas dans ses oeuvres.djvu/17

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l’envie qui me manquait, mais les poings. J’avais dix-huit ans à peine, j’étais frêle et délicat, et je gantais sept et un quart. Je fis depuis toutes les grandes campagnes romantiques. Au sortir du théâtre, nous écrivions sur les murailles « Vive Victor Hugo ! » pour propager sa gloire et ennuyer les Philistins. Jamais Dieu ne fut adoré avec plus de ferveur qu’Hugo. Nous étions étonnés de le voir marcher avec nous dans la rue comme un simple mortel, et il nous semblait qu’il n’eût dû sortir par la ville que sur un char triomphal traîné par un quadrige de chevaux blancs, avec une Victoire aîlée suspendant une couronne d’or au-dessus de sa tête. À vrai dire, je n’ai guère changé d’idée, et mon âge mûr approuve l’admiration de ma jeunesse.

À travers tout cela, je faisais des vers, et il y en eut bientôt assez pour former un petit volume entremêlé de pages blanches et d’épigraphes bizarres en toutes sortes de langues que je ne savais pas, selon la mode du temps. Mon père fit les frais de la publication, Rignoux m’imprima, et avec cet à-propos et ce flair des commotions politiques qui me caractérisent, je parus au passage des Panoramas, à la vitrine de Marie, éditeur, juste le 28 juillet 1830. On pense bien, sans que je le dise, qu’il ne se vendit pas beaucoup d’exemplaires de ce volume à couverture rose, intitulé modestement Poésies.

Le voisinage de l’illustre chef romantique rendit mes relations avec lui et avec l’école naturellement plus fréquentes. Peu à peu je négligeai la peinture et me tournai vers les idées littéraires. Hugo m’ai-