Page:Poésies de Th. Gautier qui ne figureront pas dans ses oeuvres.djvu/20

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Fortunio, qui date à peu près de cette époque, fut inséré d’abord au Figaro sous forme de feuilletons qui se détachaient du journal et se pliaient en livre.

Là finit ma vie heureuse, indépendante et primesautière. On me chargea du feuilleton dramatique de la Presse, que je fis d’abord avec Gérard et ensuite tout seul pendant plus de vingt ans. Le journalisme, pour se venger de la préface de Mademoiselle de Maupin, m’avait accaparé et attelé à sa besogne. Que de meules j’ai tournées, que de seaux j’ai puisés à ces norias hebdomadaires ou quotidiennes, pour verser de l’eau dans le tonneau sans fond de la publicité ! J’ai travaillé à la Presse, au Figaro, à la Caricature, au Musée des Familles, à la Revue de Paris, à la Revue des Deux-Mondes, partout où l’on écrivait alors. Mon physique s’était beaucoup modifié, à la suite d’exercices gymnastiques. De très-délicat, j’étais devenu très-vigoureux. J’admirais les athlètes et les boxeurs par-dessus tous les mortels. J’avais pour maître de boxe française et de canne Charles Lacour, je montais à cheval avec Clopet et Victor Franconi, je canotais sous le capitaine Lefèvre, je suivais, à la salle Montesquieu, les défis et les luttes de Marseille, d’Arpin, de Locéan, de Blas, le féroce Espagnol, du grand mulâtre et de Tom Cribbs, l’élégant boxeur anglais. Je donnai même, à l’ouverture du Château-Rouge, sur une tête de Turc toute neuve, le coup de poing de cinq cent trente-deux livres devenu historique ; c’est l’acte de ma vie dont je suis le plus fier. En mai 1840, je partis pour l’Espagne. Je n’étais encore sorti de France que pour une courte excur-