Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/108

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— L’âme, — un hoquet — l’âme, répondit le métaphysicien en se reportant à son manuscrit, est indubitablement…

— Non, Monsieur.

— … sans contredit.

— Non, Monsieur.

— … incontestablement.

— Non, Monsieur.

— … évidemment.

— Non, Monsieur.

— … est sans doute.

— Non, Monsieur.

— … — un hoquet —

— Non, Monsieur.

— … et sans…

— Non, Monsieur, l’âme n’est rien de pareil.

Ici le philosophe furieux se hâta d’en finir avec la troisième bouteille de chambertin.

— Alors, Monsieur, je vous prie, qu’est-ce que l’âme ?

— Ce n’est ni ça, ni ça, Monsieur Bon-Bon, répliqua sa Majesté en méditant. J’ai goûté… c’est-à-dire, j’ai connu de très-mauvaises âmes et d’autres passables. Ici, l’intrus claqua de la langue et ayant laissé tomber inconsciemment sa main sur le volume dans sa poche, fut saisi d’un violent accès d’éternûment. Il continua.

— Il y a eu l’âme de Cratinus, passable. Aristophane, une âme d’un bouquet…! Platon, exquise. — Non pas votre Platon à vous, mais Platon, le poëte comique. Votre Platon aurait mis sens dessus dessous l’estomac