Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/142

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l’intelligence et de l’âme. Elle dit très peu de mots et passa tout de suite dans sa cabine avec M. Wyatt.

Ma curiosité me reprit. Il n’y avait pas de domestique ; c’était là un point acquis. Je guettai donc le colis auquel j’avais songé. Après quelque temps, je vis venir un char sur le quai, portant une caisse oblongue en sapin. C’était là ce qu’on paraissait attendre, car dès que la caisse fut sur le navire, nous mîmes à la voile. En peu de temps nous avions passé heureusement la barre et nous étions en pleine mer.

La caisse en question était, comme je l’ai dit, oblongue. Elle mesurait à peu près 6 pieds de long, et deux et demi de large. — Je l’observai attentivement et j’aime à être précis. — Or, ces dimensions étaient étranges, et je ne les eus pas plutôt considérées que je me félicitai de l’exactitude de ma divination. J’étais arrivé à penser, on s’en souvient, que la cabine surnuméraire de mon ami devait servir à renfermer des peintures ou tout au moins une peinture ; car je savais que depuis plusieurs semaines, Wyatt conférait avec le marchand de tableaux Vicolino. Or voici que la caisse chargée au dernier moment ne pouvait absolument contenir au monde qu’une reproduction de la Sainte Cène, de Léonard de Vinci. D’autre part, je n’ignorais pas qu’une copie de cette œuvre exécutée par Rubini le jeune, de Florence, avait été quelque temps entre les mains de Vicolino. Je décidai donc que mes conclusions étaient suffisamment établies. Je souriais beaucoup à part moi, quand je songeais à ma perspicacité. C’était la première fois, à ma connaissance, que Wyatt m’avait caché un de ses secrets artis-