Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/230

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s’use à mesure qu’il entend répéter les mêmes choses et recommence les mêmes fantaisies. Les suggestions, les démonstrations, les exhortations des anciens rhéteurs, comparées à celles des modernes, étaient absolument nouvelles, possédant ainsi un immense avantage qui provenait des circonstances et qui a été, chose étrange, omis dans les appréciations de l’éloquence aux deux époques.

La plus belle Philippique des Grecs eût été sifflée à la Chambre des Lords en Angleterre ; tandis qu’une improvisation de Sheridan ou de Brougham aurait emporté d’assaut tous les cœurs et toutes les intelligences d’Athènes.


XXVII


Un Français, — il est possible que ce soit Montaigne, — a dit : « On parle de penser ; mais pour moi je ne pense jamais, si ce n’est quand je m’assieds pour écrire. » C’est ce fait de ne penser que quand on s’assied pour écrire qui est cause du grand nombre d’ouvrages médiocres qui nous accable. Mais peut-être la remarque que j’ai citée, contient-elle davantage qu’il n’y paraît à première vue. Il est certain que l’action d’écrire tend par elle-même à logiciser la pensée ; toutes les fois que je suis mal satisfait d’une conception de mon cerveau, la