Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/26

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En automne 1846 la femme de Poe était près de mourir et manquait de tout.

« Il n’y avait pas de couvertures sur le lit, dont le matelas était de paille, dit Mme  Nichols, mais seulement des draps et une courte-pointe d’une blancheur éclatante. Le temps était froid et la malade avait les frissons terribles qui accompagnent la fièvre hectique de la consomption. Elle était couchée sur ce lit misérable, enveloppée dans le grand pardessus de son mari. Une chatte couleur d’écaille était étendue sur sa poitrine. Ce singulier animal semblait avoir conscience de son utilité. Le pardessus et la chatte étaient les seuls moyens qu’eût la malade de se réchauffer, sauf quand son mari lui tenait les mains et sa mère les pieds. »

Ce dénûment ne pouvait durer. Mme  Gove Nichols, en avertit une dame charitable de New-York, Mme  Schew qui, seule ou aidée d’autres, pourvut aux besoins de toute la famille pendant plusieurs mois. Poe en était réduit, pour la seconde fois, à accepter l’aumône. Des secours lui vinrent d’ailleurs. Le bruit de sa misère s’était répandu, et Willis en avait parlé dans son journal. Poe protesta contre tout ce bruit, mais dut se laisser faire. Il ne recueillit pas que de la pitié. Comme on le savait fort bas, incapable d’écrire, ceux qu’il avait blessés ou lésés, remplirent les journaux de leurs attaques. Il y eut des gens qui découpèrent ces articles et les envoyèrent à la femme de Poe, pour abréger ainsi ses souffrances. Elle mourut le 30 Janvier 1847. Il fallut que Mme  Schew fournît le linceul pour l’ensevelir.