Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/5

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

encore que Griswold fut jaloux du commerce d’amitié que Poe entretint avec Mme Osgood. Ces faits peu graves ne semblent pas suffire à expliquer le ton haineux de la première Vie de Poe. Il faut ajouter que la réputation de Griswold est détestable en Angleterre, que Thackeray l’a convaincu d’avoir menti sciemment, qu’il trompa MM. Harper et frères, libraires de New-York, sur le compte de Dickens. Il témoigna d’autre part, quand on le pria de publier les œuvres de Poe, d’un zèle qui peut paraître louable ou suspect, et n’accepta aucune rémunération pour ses travaux d’éditeur et pour sa préface. En somme, les raisons de son animosité nous échappent. La biographie qu’il a composée est, en tous cas, écrite avec mauvaise foi. Il suffit pour le voir, de considérer, non les faits qu’il allègue et sur lesquels il a pu être trompé, mais ses appréciations partiales sur le caractère et le talent de Poe.

Le public américain et anglais se contenta longtemps de cette diatribe, par ressentiment contre un auteur qui lui avait déplu, par plaisir secret de le voir accuser de plusieurs bassesses, lui qui, dans ses critiques, n’avait épargné les vérités dures à personne. Plusieurs lettrés qui avaient connu Poe personnellement, protestèrent, mais sans grand effet. Leurs écrits, une fois parus dans l’une des innombrables revues anglaises ou américaines, étaient oubliés. Et même, Wilmer, un des rares amis du calomnié, constate que les journaux, pour flatter les rancunes de leurs directeurs ou de leurs abonnés, hésitaient à recevoir ces articles de défense. La biographie de Griswold au contraire était inséparable des œuvres de Poe. On ne pouvait feuilleter les unes, sans lire l’autre. Il arriva ainsi que des mensonges, quoique réfutés minutieusement, restèrent admis.

Poe devint connu en France, vers 1842. Son existence fut révélée au public par un incident qui marque les mœurs