Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/53

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Je viens de mentionner les plus augustes et les plus formidables calamités dont on se souvienne. Notre fantaisie y est impressionnée par la grandeur autant que par la nature de la catastrophe. Mais je n’ai pas besoin de rappeler au lecteur que, dans la liste longue et fatale des infortunes humaines, j’aurais pu choisir des exemples individuels plus saturés d’horreur, qu’aucun de ces vastes désastres. La véritable misère, la souffrance extrême échoient au petit nombre seul et non pas à la multitude. Remercions un Dieu de miséricorde d’avoir réservé les agonies dernières à l’homme-unité et d’en avoir préservé l’homme-foule.

Être enterré vivant est certes la plus terrible des extrémités qui se soient jamais appesanties sur une créature mortelle. Que cela soit arrivé fréquemment, très fréquemment, aucun homme de sens ne le niera. Les limites qui séparent la mort de la vie sont, à prendre les choses au mieux, obscures et vagues. Qui dira où l’une finit et où l’autre commence ? Nous savons qu’il existe des cas pathologiques dans lesquels toutes les fonctions apparentes de la vie semblent cesser et ne sont, à proprement parler, que suspendues. Ce sont les arrêts temporaires d’un mécanisme incompréhensible. Une période indéfinie s’écoule, et quelque principe mystérieux, imperceptible, met de nouveau en branle les pignons magiques et les roues enchantées. Le lien d’argent n’était pas dénoué à jamais, ni le globe d’or irréparablement brisé. Mais, pendant ce temps, l’âme qu’était-elle devenue ?

D’ailleurs, outre la conclusion inévitable et a priori,