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Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/82

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oses t’adresser à moi dans les termes familiers d’une vieille connaissance ? « Je mens, » en vérité, et « tiens ta langue ! » Assurément voilà de jolis propos à tenir à une personne qui n’a qu’un seul souffle et cela de plus, quand j’ai en mon pouvoir de soulager l’infortune qui t’accable si justement, de t’ôter le superflu de ta honteuse respiration.

Comme Brutus, j’attendis une réponse dont M. Soufflassez m’assourdit immédiatement. Les protestations succédèrent aux protestations, les excuses aux excuses. Il n’y avait pas de conditions auxquelles il refusât de souscrire ; il n’y en eut pas dont je manquai à tirer avantage. Les préliminaires étant enfin conclus, mon ami me fit livraison de mon souffle, dont je lui donnai reçu, l’ayant soigneusement examiné.

Je sais bien que beaucoup de gens me blâmeront de traiter d’une manière si superficielle, une transaction si impalpable. On pensera que j’aurais dû entrer dans des détails plus minutieux, touchant un événement dont la connaissance, — et cela est très-vrai, — pourrait jeter de nouvelles lumières sur une branche intéressante de la physique.

À tout cela, je suis affligé de ne pouvoir répondre. Une indication discrète est tout ce que je peux faire. Notre transaction fut entourée de circonstances…… (mais après réflexion j’estime qu’il est beaucoup plus sûr d’en dire aussi peu que possible sur une affaire aussi scabreuse), — de circonstances excessivement délicates et où sont impliqués les intérêts d’un tiers dont je n’ai pas la moindre envie, pour le moment, d’encourir le ressentiment infernal.