Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/95

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Herrmann commença à parcourir cette lettre avec un air farouche qui cependant se changea en un sourire de la plus ridicule complaisance, quand il arriva aux niaiseries sur les Injuriæ per applicationem, per constructionem etc. Ayant fini sa lecture, il me pria avec la plus affable des physionomies de m’asseoir, tandis qu’il se référerait au traité en question. Prenant au passage indiqué, il le lut soigneusement à part, ensuite ferma le livre et me chargea, en ma qualité de confident, d’exprimer au baron ses sentiments d’admiration pour la conduite chevaleresque qu’il tenait, et, en ma qualité de témoin, de l’assurer que l’explication donnée était la plus complète, la plus honorable, la plus satisfaisante et la plus catégorique possible.

Quelque peu surpris de tout cela, je me retirai chez le baron. Il sembla recevoir le message de Herrmann comme une chose naturelle. Après quelque conversation insignifiante, il passa dans une autre chambre et en rapporta l’éternel Lex duelli, etc. Il me donna le volume et me pria d’en parcourir un passage. Je le fis, mais sans grand résultat, n’étant pas capable d’y surprendre la moindre trace de sens. Je rendis l’ouvrage au baron, et il en lut un chapitre à haute voix. À ma surprise, ce qu’il lisait était le récit horriblement absurde d’un duel entre deux babouins.

Il m’expliqua alors le mystère, me montrant que le volume tel qu’il apparaissait prima facie était écrit sur le modèle des vers de Du Bartas ; c’est à dire que le discours était ingénieusement tourné de façon à présenter tous les signes extérieurs de l’intelligibilité et même