jours est-il qu’il n’en fallut pas davantage pour opérer dans l’expression des traits du général une métamorphose non moins soudaine qu’étrange. Lorsqu’il rouvrit la bouche pour parler, sa voix avait retrouvé cette sonorité mélodieuse et cette force qui m’avaient frappé lors de notre première entrevue.
— Satanés sauvages ! dit-il avec une intonation si vibrante que je ne pus m’empêcher de tressaillir, tant elle me causa de surprise. Satanés sauvages ! non contents de m’enlever le palais, ils se sont encore donné la peine de couper les sept huitièmes de ma langue. Heureusement Boufanti n’a pas son égal, en Amérique, pour les postiches de ce genre. Je puis vous le recommander en toute conscience.
Ici le général s’inclina.
Et je vous assure, monsieur, que je serais très-heureux si ma recommandation pouvait vous être de la moindre utilité.
Je le remerciai de sa bienveillance dans mon vocabulaire le plus choisi, et je pris congé aussitôt ; car je savais parfaitement à quoi m’en tenir ; j’étais parvenu à sonder le mystère qui m’avait si longtemps intrigué. Cela sautait aux yeux. Rien de plus clair. Le général de brigade John A. B. C. était l’homme… était un homme usé.