Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/34

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deur qui avait consumé l’âme de nos ancêtres. Les passions et les fantaisies qui avaient distingué notre race pendant des siècles répandirent un bonheur délirant sur la Vallée-aux-Herbes-Multicolores. Tout changea d’aspect. Des fleurs étranges, brillantes, en forme d’étoile, poussèrent tout à coup sur des arbres où l’on n’avait jamais vu éclore un bouton. Le vert du gazon prit une nuance plus foncée ; puis, lorsque les marguerites blanche eurent disparu une à une, il s’éleva à leur place des dizaines d’asphodèles d’un rouge de rubis. Et la vie vint animer les sentiers que nous traversions : car le flamant à la taille élevée, que nous n’avions pas aperçu jusqu’alors, se pavana devant nous dans son plumage écarlate, en compagnie de tous les autres oiseaux aux toilettes gaies ou brillantes. Des poissons d’or et d’argent peuplèrent la rivière, du sein de laquelle s’éleva un murmure qui, petit à petit, se transforma en une mélodie assoupissante, plus divine que celle de la lyre d’Éole, — plus douce que quoi que ce soit au monde, sauf la voix d’Éléonore. En ce moment aussi, un vaste nuage, que nous avions longtemps contemplé dans les régions d’Hespérus se mit à flotter vers nous, resplendissant de tons cramoisis et dorés ; il plana paisiblement au-dessus de nous et s’abaissa de jour en jour jus-