Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/85

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son séant, juste en face de notre hôte, le cadavre meurtri, ensanglanté, à moitié décomposé de l’infortuné M. Shuttleworthy. La victime, fixant sur M. Bonenfant le regard attristé de ses yeux éteints, prononça lentement, mais distinctement ces paroles :

« C’est toi qui es mon assassin ! »

Puis, comme satisfait de cette dénonciation, le cadavre retomba hors du cercueil et alla rouler sur la table.

Il faut renoncer à décrire la scène qui s’ensuivit. On s’étouffait pour gagner les portes ou les croisées, et plus d’un homme robuste fut impressionné au point de se trouver mal. Mais le premier moment de terreur passé, tous les regards se dirigèrent vers M. Bonenfant. Dussé-je vivre encore cent ans, jamais je n’oublierai l’angoisse et la pâleur plus que mortelle de sa physionomie naguère si rubiconde et si triomphante. Pendant une minute ou deux, il resta aussi immobile qu’une statue de marbre ; ses yeux, qui paraissaient ne rien voir, semblaient absorbés dans la contemplation de son crime. Enfin, la conscience du monde externe vint de nouveau les éclairer. Se redressant brusquement, il s’élança de son siège et retomba lourdement la tête sur la table, presque en contact avec le cadavre. Alors il fit d’une voix rapide et entre-