Page:Poe - Eureka trad. Baudelaire 1864.djvu/262

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vaste, — qui remonte loin, bien loin dans le passé, et qui est infiniment imposante.

La Jeunesse que nous vivons est particulièrement hantée par de tels rêves, — que cependant nous ne prenons jamais pour des rêves. Nous les reconnaissons comme Souvenirs. Pendant notre jeunesse, nous faisons trop clairement la distinction pour nous méprendre un seul instant.

Tant que dure cette Jeunesse, ce sentiment de notre existence personnelle est le plus naturel de tous les sentiments. Nous le sentons très-pleinement, entièrement. Qu’il y ait eu une époque où nous n’existions pas, — ou qu’il puisse se faire que nous n’ayons jamais existé, ce sont là des considérations que, pendant cette jeunesse, nous ne comprenons que très-difficilement. Pourquoi nous pouvions ne pas exister, c’est là, jusqu’à l’époque de notre Virilité, de toutes les questions, celle à laquelle il nous serait le plus impossible de répondre. L’existence, l’existence personnelle, l’existence de tout Temps et pour toute l’Éternité, nous semble, jusqu’à l’époque de notre Virilité, une condition normale et in-