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LA LETTRE VOLÉE


Nil sapientiæ odiosius acumine nimio.
Sénèque.


J’étais à Paris en 18… Après une sombre et orageuse soirée d’automne, je jouissais de la double volupté de la méditation et d’une pipe d’écume de mer, en compagnie de mon ami Dupin, dans sa petite bibliothèque ou cabinet d’étude, rue Dunot, no 33, au troisième, faubourg Saint-Germain. Pendant une bonne heure, nous avions gardé le silence ; chacun de nous, pour le premier observateur venu, aurait paru profondément et exclusivement occupé des tourbillons frisés de fumée qui chargeaient l’atmosphère de la chambre. Pour mon compte, je discutais en moi-même certains points, qui avaient été dans la première partie de la soirée l’objet de notre conversation ; je veux parler de l’affaire de la rue Morgue, et du mystère relatif à l’assassinat de Marie Roget[1]. Je rêvais donc à l’espèce

  1. Encore un meurtre dont Dupin refait l’instruction. — Le Double Assassinat dans la rue Morgue, le Mystère de Marie Roget et la Lettre volée font une espèce de trilogie. — C. B.