Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/161

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bien se laisser entraîner par de pareilles suggestions, surtout quand elles s’accordaient avec ses idées favorites préconçues ; puis je me rappelais le discours du pauvre garçon relativement au scarabée, indice de sa fortune ! Par-dessus tout, j’étais cruellement tourmenté et embarrassé ; mais enfin je résolus de faire contre fortune bon cœur et de bêcher de bonne volonté, pour convaincre mon visionnaire le plus tôt possible, par une démonstration oculaire, de l’inanité de ses rêveries.

Nous allumâmes les lanternes, et nous attaquâmes notre besogne avec un ensemble et un zèle dignes d’une cause plus rationnelle ; et, comme la lumière tombait sur nos personnes et nos outils, je ne pus m’empêcher de songer que nous composions un groupe vraiment pittoresque, et que, si quelque intrus était tombé par hasard au milieu de nous, nous lui serions apparus comme faisant une besogne bien étrange et bien suspecte.

Nous creusâmes ferme deux heures durant. Nous parlions peu. Notre principal embarras était causé par les aboiements du chien, qui prenait un intérêt excessif à nos travaux. À la longue, il devint tellement turbulent, que nous craignîmes qu’il ne donnât l’alarme à quelques rôdeurs du voisinage, — ou, plutôt, c’était la grande appréhension de Legrand, — car, pour mon compte, je me serais réjoui de toute interruption qui m’aurait permis de ramener mon vagabond à la maison. À la fin, le vacarme fut étouffé, grâce à Jupiter