Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/220

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la foule n’était pas trop fâchée de se trouver de temps à autre aspergée d’une ondée amicale de quelques minutes, qui s’épanchait des vastes masses de nuages blancs abondamment éparpillés à travers la voûte bleue du firmament.

Toutefois, vers midi, il se manifesta dans l’assemblée une légère mais remarquable agitation, suivie du brouhaha de dix mille langues ; une minute après, dix mille visages se tournèrent vers le ciel, dix mille pipes descendirent simultanément du coin de dix mille bouches, et un cri, qui ne peut être comparé qu’au rugissement du Niagara, retentit longuement, hautement, furieusement, à travers toute la cité et tous les environs de Rotterdam.

L’origine de ce vacarme devint bientôt suffisamment manifeste. On vit déboucher et entrer dans une des lacunes de l’étendue azurée, du fond d’une de ces vastes masses de nuages aux contours vigoureusement définis, un être étrange, hétérogène, d’une apparence solide, si singulièrement configuré, si fantastiquement organisé, que la foule de ces gros bourgeois qui le regardaient d’en bas, bouche béante, ne pouvait absolument y rien comprendre ni se lasser de l’admirer.

Qu’est-ce que cela pouvait être ? Au nom de tous les diables de Rotterdam, qu’est-ce que cela pouvait présager ? Personne ne le savait, personne ne pouvait le deviner ; personne, — pas même le bourgmestre Mynheer Superbus Von Underduk, — ne possédait la plus légère donnée pour éclaircir ce mystère ; en sorte que,