coup d’ennui ; mon appareil condensateur en fut endommagé, et je fus trempé jusqu’aux os. C’est, à coup sûr, une singulière rencontre, car je n’aurais pas supposé qu’un nuage de cette nature pût se soutenir à une si grande élévation. Je pensai faire pour le mieux en jetant deux morceaux de lest de cinq livres chaque, ce qui me laissait encore cent soixante-cinq livres de lest. Grâce à cette opération, je traversai bien vite l’obstacle, et je m’aperçus immédiatement que j’avais gagné prodigieusement en vitesse. Quelques secondes après que j’eus quitté le nuage, un éclair éblouissant le traversa d’un bout à l’autre et l’incendia dans toute son étendue, lui donnant l’aspect d’une masse de charbon en ignition. Qu’on se rappelle que ceci se passait en plein jour. Aucune pensée ne pourrait rendre la sublimité d’un pareil phénomène se déployant dans les ténèbres de la nuit. L’enfer lui-même aurait trouvé son image exacte. Tel que je le vis, ce spectacle me fit dresser les cheveux. Cependant, je dardais au loin mon regard dans les abîmes béants ; je laissais mon imagination plonger et se promener sous d’étranges et immenses voûtes, dans des gouffres empourprés, dans les abîmes rouges et sinistres d’un feu effrayant et insondable. Je l’avais échappé belle. Si le ballon était resté une minute de plus dans le nuage, — c’est-à-dire si l’incommodité dont je souffrais ne m’avait pas déterminé à jeter du lest, — ma destruction pouvait en être et en eût très-probablement été la conséquence. De pareils dangers, quoiqu’on y fasse peu
Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/253
Apparence