Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/290

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tombais avec la plus terrible impétuosité. Aussi je ne perdis pas une minute ; je jetai par-dessus bord tout mon lest, puis mes barriques d’eau, puis mon appareil condensateur et mon sac de caoutchouc, et enfin tous les articles contenus dans la nacelle. Mais tout cela ne servit à rien. Je tombais toujours avec une horrible rapidité, et je n’étais pas à plus d’un demi-mille de la surface. Comme expédient suprême, je me débarrassai de mon paletot, de mon chapeau et de mes bottes ; je détachai du ballon la nacelle elle-même, qui n’était pas d’un poids médiocre ; et, m’accrochant alors au filet avec mes deux mains, j’eus à peine le temps d’observer que tout le pays, aussi loin que mon œil pouvait atteindre, était criblé d’habitations lilliputiennes, — avant de tomber, comme une balle, au cœur même d’une cité d’un aspect fantastique et au beau milieu d’une multitude de vilain petit peuple, dont pas un individu ne prononça une syllabe ni ne se donna le moindre mal pour me prêter assistance. Ils se tenaient tous, les poings sur les hanches, comme un tas d’idiots, grimaçant d’une manière ridicule et me regardant de travers, moi et mon ballon. Je me détournai d’eux avec un superbe mépris ; et, levant mes regards vers la terre que je venais de quitter, et dont je m’étais exilé pour toujours peut-être, je l’aperçus sous la forme d’un vaste et sombre bouclier de cuivre d’un diamètre de 2 degrés environ, fixe et immobile dans les cieux, et garni à l’un de ses bords d’un croissant d’or étincelant. On n’y pouvait découvrir aucune trace de mer ni