Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Concevoir l’horreur de mes sensations est, je crois, chose absolument impossible ; cependant, la curiosité de pénétrer les mystères de ces effroyables régions surplombe encore mon désespoir et suffit à me réconcilier avec le plus hideux aspect de la mort. Il est évident que nous nous précipitons vers quelque entraînante découverte, — quelque incommunicable secret dont la connaissance implique la mort. Peut-être ce courant nous conduit-il au pôle sud lui-même. Il faut avouer que cette supposition, si étrange en apparence, a toute probabilité pour elle.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

L’équipage se promène sur le pont d’un pas tremblant et inquiet ; mais il y a dans toutes les physionomies une expression qui ressemble plutôt à l’ardeur de l’espérance qu’à l’apathie du désespoir.

Cependant nous avons toujours le vent arrière, et, comme nous portons une masse de toile, le navire s’enlève quelquefois en grand hors de la mer. Oh ! horreur sur horreur ! — la glace s’ouvre soudainement à droite et à gauche, et nous tournons vertigineusement dans d’immenses cercles concentriques, tout autour des bords d’un gigantesque amphithéâtre, dont les murs perdent leur sommet dans les ténèbres et l’espace. Mais il ne me reste que peu de temps pour rêver à ma destinée ! Les cercles se rétrécissent rapidement, — nous plongeons follement dans l’étreinte du tourbillon, — et, à travers le mugissement, le beuglement et le détonnement de l’Océan et de la tempête, le na-