Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/391

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du rêve. Tout se tenait logiquement et faisait corps. D’abord, doutant si j’étais réellement éveillé, je me soumis à une série d’épreuves qui me convainquirent bien vite que je l’étais réellement. Or, quand quelqu’un rêve, et que dans son rêve il soupçonne qu’il rêve, le soupçon ne manque jamais de se confirmer et le dormeur est presque immédiatement réveillé. Ainsi, Novalis ne se trompe pas en disant que nous sommes près de nous réveiller quand nous rêvons que nous rêvons. Si la vision s’était offerte à moi telle que je l’eusse soupçonnée d’être un rêve, alors elle eût pu être purement un rêve ; mais, se présentant comme je l’ai dit, et suspectée et vérifiée comme elle le fut, je suis forcé de la classer parmi d’autres phénomènes.

— En cela, je n’affirme pas que vous ayez tort, remarqua le docteur Templeton. Mais poursuivez. Vous vous levâtes, et vous descendîtes dans la cité.

— Je me levai, continua Bedloe regardant le docteur avec un air de profond étonnement ; je me levai, comme vous dîtes, et descendis dans la cité. Sur ma route, je tombai au milieu d’une immense populace qui encombrait chaque avenue, se dirigeant toute dans le même sens, et montrant dans son action la plus violente animation. Très-soudainement, et sous je ne sais quelle pression inconcevable, je me sentis profondément pénétré d’un intérêt personnel dans ce qui allait arriver. Je croyais sentir que j’avais un rôle important à jouer, sans comprendre exactement quel il était. Contre la foule qui m’environnait j’éprouvai