Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/427

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vet du lit d’ébène, sur un des divans indiens. Elle se dressa à moitié, et me parla à voix basse, dans un chuchotement anxieux, de sons qu’elle venait d’entendre, mais que je ne pouvais pas entendre, — de mouvements qu’elle venait d’apercevoir, mais que je ne pouvais apercevoir. Le vent courait activement derrière les tapisseries, et je m’appliquai à lui démontrer — ce que, je le confesse, je ne pouvais pas croire entièrement, — que ces soupirs à peine articulés et ces changements presque insensibles dans les figures du mur n’étaient que les effets naturels du courant d’air habituel. Mais une pâleur mortelle qui inonda sa face me prouva que mes efforts pour la rassurer seraient inutiles. Elle semblait s’évanouir, et je n’avais pas de domestiques à ma portée. Je me souvins de l’endroit où avait été déposé un flacon de vin léger ordonné par les médecins, et je traversai vivement la chambre pour me le procurer. Mais, comme je passais sous la lumière de la lampe, deux circonstances d’une nature saisissante attirèrent mon attention. J’avais senti que quelque chose de palpable, quoique invisible, avait frôlé légèrement ma personne, et je vis sur le tapis d’or, au centre même du riche rayonnement projeté par l’encensoir, une ombre, — une ombre faible, indéfinie, d’un aspect angélique, — telle qu’on peut se figurer l’ombre d’une Ombre. Mais, comme j’étais en proie à une dose exagérée d’opium, je ne fis que peu d’attention à ces choses, et je n’en parlai point à Rowena.

Je trouvai le vin, je traversai de nouveau la cham-