Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ainsi vous êtes en mesure de prouver votre droit de propriété ?

— Oui, monsieur, certainement.

— Je serais vraiment peiné de m’en séparer, — dit Dupin.

— Je n’entends pas, dit l’homme, que vous ayez pris tant de peine pour rien ; je n’y ai pas compté. Je payerai volontiers une récompense à la personne qui a retrouvé l’animal, une récompense raisonnable s’entend.

— Fort bien, répliqua mon ami, tout cela est fort juste, en vérité. Voyons, — que donneriez-vous bien ? Ah ! je vais vous le dire. Voici quelle sera ma récompense : vous me raconterez tout ce que vous savez relativement aux assassinats de la rue Morgue.

Dupin prononça ces derniers mots d’une voix très-basse et fort tranquillement. Il se dirigea vers la porte avec la même placidité, la ferma, et mit la clef dans sa poche. Il tira alors un pistolet de son sein, et le posa sans le moindre émoi sur la table.

La figure du marin devint pourpre, comme s’il en était aux agonies d’une suffocation. Il se dressa sur ses pieds et saisit son bâton ; mais, une seconde après, il se laissa retomber sur son siège, tremblant violemment et la mort sur le visage. Il ne pouvait articuler une parole. Je le plaignais du plus profond de mon cœur.

— Mon ami, dit Dupin d’une voix pleine de bonté, vous vous alarmez sans motif, — je vous assure. Nous ne voulons vous faire aucun mal. Sur mon honneur