Page:Poe - Histoires grotesques et sérieuses.djvu/201

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avait, à diverses reprises, coupé mon vin, je retrouvai enfin le calme suffisant pour écouter son très-extraordinaire discours. Je ne prétends pas relater tout ce qu’il me dit ; mais ce que j’en retins en substance, c’est qu’il était le génie qui présidait aux contre-temps dans l’humanité, et que sa fonction était d’amener ces accidents bizarres, qui étonnent continuellement les sceptiques. Une ou deux fois, comme je me hasardais à exprimer ma totale incrédulité relativement à ses prétentions, il se fâcha tout rouge, si bien qu’à la fin je considérai comme la politique la plus sage de ne rien dire du tout et de le laisser aller son train.

Il parla donc tout à son aise pendant que je restais étendu dans mon fauteuil, les yeux fermés, et que je m’amusais à mâcher des raisins et à chiquenauder les queues à travers la chambre. Mais l’Ange, cependant, interpréta cette conduite de ma part comme un signe de mépris. Il se leva dans un effroyable courroux, rabattit complètement son entonnoir sur ses yeux, lâcha un vaste juron, articula une menace dont je ne saisis pas le caractère précis, et finalement me fit un profond salut d’adieu