Page:Poe - Histoires grotesques et sérieuses.djvu/210

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ment un air d’opéra. Levant les yeux, j’aperçus l’Ange du Bizarre. Il s’appuyait, les bras croisés, sur le bord de la nacelle, avec une pipe à la bouche, dont il soufflait paisiblement les bouffées, et il semblait être dans les meilleurs termes avec lui-même et avec l’univers. J’étais trop épuisé pour parler, de sorte que je continuai à le regarder avec un air suppliant.

Pendant quelques instants, bien qu’il me regardât en plein visage, il ne dit pas un mot. Enfin, faisant passer soigneusement son écume de mer du coin droit de sa bouche vers le gauche, il consentit à parler.

« Gui haites-phus ? — demanda-t-il, — et bar le tiable, gue vaides-phus là ? »

À ce trait suprême d’impudence, de cruauté et d’affectation, je pus à peine répondre par quelques cris :

« Au secours ! servez-moi[1] dans ma détresse !

— Phus zerphir ! — répondit le brigand ; —

  1. J’ai été obligé d’allonger la phrase, pour obtenir à peu près le jeu de mots anglais, le même mot signifiant également au secours et servez-moi. — C. B.