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Page:Poe - Histoires grotesques et sérieuses.djvu/281

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sinon solennelle, ressemblant en quelque sorte, bien qu’elle soit d’un degré infiniment supérieur, à celle qui s’est attachée si longtemps à Fonthill.

D’ordinaire, on se rendait à Arnheim par la rivière. Le visiteur quittait la ville de grand matin. Pendant l’avant-midi, il passait entre des rives d’une beauté tranquille et domestique, sur lesquelles paissaient d’innombrables moutons dont les toisons mouchetaient de blanc le gazon brillant des prairies ondulées. Par degrés, l’impression de culture s’affaissait dans celle d’une vie purement pastorale. Lentement, celle-ci se noyait dans une sensation d’isolement, qui à son tour se transformait en une parfaite conscience de solitude. À mesure que le soir approchait, le canal devenait plus étroit ; les berges s’escarpaient de plus en plus et se revêtaient d’un feuillage plus riche, plus abondant, plus sombre. La transparence de l’eau augmentait. Le ruisseau faisait mille détours, de sorte qu’on ne pouvait jamais en apercevoir la brillante surface qu’à une distance d’un huitième de mille. À chaque instant le navire semblait emprisonné dans un cercle enchanté, formé de murs de feuillage, infranchissables