Page:Poe - Histoires grotesques et sérieuses.djvu/286

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lui donne la forme générale d’un croissant irrégulier. Il repose sur la surface de la baie avec la grâce superbe d’un cygne. Le fond, recouvert d’hermine, supporte une aube articulée en bois de férole ; mais on ne voit ni domestique ni rameur. L’hôte est invité à ne pas perdre courage ; — les Parques auront soin de lui. La grande barque disparaît, et on le laisse seul dans le canot qui repose sans mouvement apparent au milieu du lac. Mais, pendant qu’il songe à la route qu’il doit suivre, il s’aperçoit d’un mouvement très-doux dans la barque magique. Elle tourne lentement sur elle-même jusqu’à ce que sa proue soit dirigée vers le soleil. Elle avance avec une vélocité moelleuse mais graduellement accélérée, pendant que les légers bouillonnements qu’elle fait naître semblent dégager autour des flancs d’ivoire une mélodie surnaturelle, — semblent offrir la seule explication possible de cette musique caressante et mélancolique dont le voyageur charmé cherche vainement autour de lui l’origine invisible.

Le canot marche résolûment et se rapproche de la barrière rocheuse de l’avenue liquide, de sorte que l’œil en peut mieux mesurer les profondeurs.