Page:Poe - Histoires grotesques et sérieuses.djvu/315

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et la physionomie d’un tigre. Je lui tendis cependant la main, en témoignage d’amitié, et je n’ai jamais connu de chien qui fût à l’épreuve de cet appel fait à sa courtoisie. Celui-ci, non-seulement ferma sa gueule et remua sa queue, mais m’offrit positivement sa patte, et même étendit ses civilités jusqu’à Ponto.

Comme je n’apercevais pas de cloche, je frappai avec ma canne contre la porte, qui était à moitié ouverte. Immédiatement une personne s’avança vers le seuil, — une jeune femme de vingt-huit ans environ, — élancée ou plutôt légère, et d’une taille un peu au-dessous de la moyenne. Comme elle s’approchait, avec une démarche à la fois modeste et décidée, absolument indescriptible, je me dis en moi-même : « J’ai sûrement trouvé ici la perfection de la grâce naturelle, en antithèse avec l’artificielle. » La seconde impression qu’elle produisit sur moi, et qui fut de beaucoup la plus vive des deux, fut une impression d’enthousiasme. Jamais expression d’un romanesque aussi intense, oserai-je dire, ou d’une étrangeté si extra-mondaine, telle que celle qui s’échappait de ses yeux profondément enchâssés, n’avait jusqu’alors pénétré le fond de mon cœur. Je