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Page:Poe - Les Poèmes d’Edgar Poe, trad. Mallarmé, 1889.djvu/184

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SCOLIES

quoique captivée par son décor funèbre et la sorcellerie de sa musique, avant que le thème ne m’en eût été expliqué par l’auteur. Il l’écrivit ou le conçut, une nuit, à Fordham, dans l’automne qui suivit la mort de sa femme Virginie. Près de sa maison était une avenue de grands arbres : il passait des heures à aller et venir d’un bout à l’autre, songeant à son suprême isolement et interrogeant le Futur, pour savoir si des lointains gardaient encore pour lui quelque rayon d’espoir ou d’amour en la profondeur sinistre de leur ombre. Une de ces promenades solitaires faites dans l’Octobre désolé de sa plus immémoriale année, minuit était passé depuis longtemps sans qu’il y prit garde et les cadrans des étoiles déjà parlaient du matin, quand il vit à l’horizon oriental la planète Vénus, étoile à croissant d’espoir et d’amour, monter, entrant dans la constellation du Lion

Monter à travers la caverne du Lion
Avec l’amour dans ses yeux lumineux.

« Pendant un instant béni, espérant à l’encontre de l’espoir, il la salua ainsi qu’au nom d’un bonheur susceptible d’être encore : jusqu’à ce qu’il découvrît que la planète se levait juste au-dessus du sépulcre de Virginie. Alors, accablé par cette superstition de remords qui semble l’avoir toujours visité quand ses pensées se détournaient de quelque rêve de