Page:Poe - Nouvelles Histoires extraordinaires.djvu/166

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devenait terrible dans ce cas la proximité de l’acier ! Et le résultat de la plus légère secousse, mortel ! Était-il vraisemblable, d’ailleurs, que les mignons du bourreau n’eussent pas prévu et paré cette possibilité ? Était-il probable que le bandage traversât ma poitrine dans le parcours du pendule ? Tremblant de me voir frustré de ma faible espérance, vraisemblablement ma dernière, je haussai suffisamment ma tête pour voir distinctement ma poitrine. La sangle enveloppait étroitement mes membres et mon corps dans tous les sens, — excepté dans le chemin du croissant homicide.

À peine avais-je laissé retomber ma tête dans sa position première, que je sentis briller dans mon esprit quelque chose que je ne saurais mieux définir que la moitié non formée de cette idée de délivrance dont j’ai déjà parlé, et dont une moitié seule avait flotté vaguement dans ma cervelle, lorsque je portai la nourriture à mes lèvres brûlantes. L’idée tout entière était maintenant présente, — faible, à peine viable, à peine définie, — mais enfin complète. Je me mis immédiatement, avec l’énergie du désespoir, à en tenter l’exécution.

Depuis plusieurs heures, le voisinage immédiat du châssis sur lequel j’étais couché fourmillait littéralement de rats. Ils étaient tumultueux, hardis, voraces, — leurs yeux rouges dardés sur moi, comme s’ils n’attendaient que mon immobilité pour faire de moi leur proie.

« À quelle nourriture, pensai-je, ont-ils été accoutumés dans ce puits ? »

Excepté un petit reste, ils avaient dévoré, en dépit de tous mes efforts pour les en empêcher, le contenu du plat. Ma main avait contracté une habitude de va-et-vient, de balancement vers le plat ; et, à la longue, l’uniformité machinale du mouvement lui avait enlevé toute son efficacité. Dans sa voracité, cette vermine fixait souvent ses dents aiguës dans mes doigts. Avec les miettes de la viande huileuse et épicée qui restait en-