Page:Poe - Nouvelles Histoires extraordinaires.djvu/233

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Et ils rebourrèrent leurs pipes en grande rage, et, s’enfonçant dans leurs fauteuils, ils soufflèrent si vite et si férocement, que toute la vallée fut immédiatement encombrée d’un impénétrable nuage.

Cependant, les choux tournaient tous au rouge pourpre, et il semblait que le vieux Diable lui-même avait pris possession de tout ce qui avait forme d’horloge. Les pendules sculptées sur les meubles se prenaient à danser comme si elles étaient ensorcelées, pendant que celles qui étaient sur les cheminées pouvaient à peine se contenir dans leur fureur, et s’acharnaient dans une si opiniâtre sonnerie de « Draisse ! — Draisse ! — Draisse ! » — et dans un tel trémoussement et remuement de leurs balanciers, que c’était réellement épouvantable à voir. — Mais, — pire que tout, — les chats et les cochons ne pouvaient plus endurer l’inconduite des petites montres à répétition attachées à leurs queues, et ils le faisaient bien voir en détalant tous vers la place, — égratignant et farfouillant, — criant et hurlant, — affreux sabbat de miaulements et de grognements ! — et s’élançant à la figure des gens, et se fourrant sous les cotillons, et créant le plus épouvantable charivari et la plus hideuse confusion qu’il soit possible à une personne raisonnable d’imaginer. Et le misérable petit vaurien installé dans le clocher faisait évidemment tout son possible pour rendre les choses encore plus navrantes. On a pu de temps à autre apercevoir le scélérat à travers la fumée. Il était toujours là, dans le beffroi, assis sur l’homme du beffroi, qui gisait à plat sur le dos. Dans ses dents, l’infâme tenait la corde de la cloche, qu’il secouait incessamment, de droite et de gauche avec sa tête, faisant un tel vacarme que mes oreilles en tintent encore, rien que d’y penser. Sur ses genoux reposait l’énorme violon qu’il raclait, sans accord ni mesure, avec les deux mains, faisant affreusement semblant — l’infâme paillasse ! — de jouer l’air de Judy O’Flannagan et Paddy O’Raferty !