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Page:Poe - Nouvelles Histoires extraordinaires.djvu/261

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Après le premier choc de l’étonnement, nous résolûmes, cela va sans dire, de tenter tout de suite une nouvelle expérience. Nos opérations furent alors dirigées contre le gros orteil du pied droit. Nous fîmes une incision au-dessus de la région de l’os sesamoideum pollicis pedis, et nous arrivâmes ainsi à la naissance du muscle abductor. Rajustant la batterie, nous appliquâmes de nouveau le fluide aux nerfs mis à nu, — quand, avec un mouvement plus vif que la vie elle-même, la momie retira son genou droit comme pour le rapprocher le plus possible de l’abdomen, puis, redressant le membre avec une force inconcevable, allongea au docteur Ponnonner une ruade qui eut pour effet de décocher ce gentleman comme le projectile d’une catapulte, et de l’envoyer dans la rue à travers une fenêtre.

Nous nous précipitâmes en masse pour rapporter les débris mutilés de l’infortuné ; mais nous eûmes le bonheur de le rencontrer sur l’escalier, remontant avec une inconcevable diligence, bouillant de la plus grande ardeur philosophique, et plus que jamais frappé de la nécessité de poursuivre nos expériences avec rigueur et avec zèle.

Ce fut donc d’après son conseil que nous fîmes sur-le-champ une incision profonde dans le bout du nez du sujet ; et le docteur, y jetant des mains impétueuses, le fourra violemment en contact avec le fil métallique.

Moralement et physiquement, — métaphoriquement et littéralement, — l’effet fut électrique. D’abord le cadavre ouvrit les yeux et les cligna très rapidement pendant quelques minutes, comme M. Barnes dans la pantomime ; puis il éternua ; en troisième lieu, il se dressa sur son séant ; en quatrième lieu, il mit son poing sous le nez du docteur Ponnonner ; enfin, se tournant vers MM. Gliddon et Buckingham, il leur adressa, dans l’égyptien le plus pur, le discours suivant :

« Je dois vous dire, gentlemen, que je suis aussi surpris que mortifié de votre conduite. Du docteur Ponnonner, je