Page:Poe - Nouvelles Histoires extraordinaires.djvu/278

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l’abîme ! Que ton œil s’efforce de pénétrer ces innombrables perspectives d’étoiles, pendant que nous glissons lentement à travers, — encore, — et encore, — et toujours ! La vision spirituelle elle-même n’est-elle pas absolument arrêtée par les murs d’or circulaires de l’univers, — ces murs faits de myriades de corps brillants qui se fondent en une incommensurable unité ?

oinos. — Je perçois clairement que l’infini de la matière n’est pas un rêve.

agathos. — Il n’y a pas de rêves dans le ciel ; — mais il nous est révélé ici que l’unique destination de cet infini de matière est de fournir des sources infinies, où l’âme puisse soulager cette soif de connaître qui est en elle, — inextinguible à jamais, puisque l’éteindre serait pour l’âme l’anéantissement de soi-même. Questionne-moi donc, mon Oinos, librement et sans crainte. Viens ! nous laisserons à gauche l’éclatante harmonie des Pléiades, et nous irons nous abattre loin de la foule dans les prairies étoilées, au delà d’Orion, où, au lieu de pensées, de violettes et de pensées sauvages, nous trouverons des couches de soleils triples et de soleils tricolores.

oinos. — Et maintenant, Agathos, tout en planant à travers l’espace, instruis-moi ! — Parle-moi dans le ton familier de la terre ! Je n’ai pas compris ce que tu me donnais tout à l’heure à entendre, sur les modes et les procédés de création, — de ce que nous nommions création, dans le temps que nous étions mortels. Veux-tu dire que le Créateur n’est pas Dieu ?

agathos. — Je veux dire que la Divinité ne crée pas.

oinos. — Explique-toi !

agathos. — Au commencement seulement, elle a créé. Les créatures, — ce qui apparaît comme créé, — qui maintenant, d’un bout de l’univers à l’autre, émergent infatigablement à l’existence, ne peuvent être considérées que comme des résultats médiats ou indirects, et non comme directs ou immédiats, de la divine puissance créatrice.