Page:Poictevin - Songes, 1887-1888.djvu/11

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Diou-Diou, celui qui avait donné le chat appelé de son nom, cet ivrogne ne parlant que par proverbes, Dieu « un petit homme habillé de bleu qui souffle le feu », ça paraissait fou à Licette, et puis quand même ça lui revenait.

De ce livre, les pages cherchées, les litanies de la bonne mort, contaient, à la fillette une crainte, une terreur, une péripétie, une particularité de son moi.


Elle n’aimait pas à se confesser, ne voulant pas plus mentir que dire ses petites affaires. Mais il fallait y aller ; et elle en avait des cuites de ventre, par ennui, par une sorte de révolte contre cette murmuration de secrets de polichinelle. Le mot péché ne lui disait pas grand’-chose. Elle restait sans appétences mauvaises. Dans les premiers mois après la communion, entre compagnes, elles se passaient leurs péchés sur des petits carrés de papier, et elles n’y comprenaient rien.

Aux fêtes, alors qu’elle voyait tant de gens à la table de communion, que chacun ait tout entier et avec cette facilité le corps de Jésus-Christ, comment cela se fait-il ? et puis, au fait, il devait être mangé depuis longtemps…

Aux vêpres, le curé dans sa stalle, avec l’espèce d’ailes de son surplis et son bonnet carré et sa perpétuelle reniflerie de macouba, l’agaçait.


Puis, pour un rien, si on fait attention à elle, elle se met à pleurer. Que la tante Valérie dise : « Pleure, petite chipie, les larmes ne sont pas d’or », elles recoulent plus abondantes. Quand sa mère, la seule qui la sache et lui ait dit de ces choses qu’elle avait senties avant de se les avouer, quand sa mère est là, elle regarde bien en face, elle est presque hardie ; sinon, elle rougit, et toute maledroite sort.


Elle allait patiner près de l’île où on ne voyait pas clair dedans. La mère venait en chaussons. Le père riait dans sa moustache des craintes de sa femme. En glissant, Licette entendait la glace craquer avec des bruits que les rochers répondent ; elle ne savait pas si elle avait plus de joie ou de peur. À la nuit, on allumait un . Les grands glaçons des sapins s’enchantaient.


Dans les champs, elle enfile à l’aiguille des pâquerettes, elle s’en fait des cordelières, des bracelets, en met dans ses cheveux, voudrait s’en habiller.


La jeune tante Isabelle était si à-part, pour la fillette. Sorte de fascination éprouvée, subie, avec des doutes, des retours. Tante Isabelle ! pas un enfant n’était baptisé de ce nom. Et elle supposait que personne n’osait le prendre, qu’il était trop beau pour d’autres. Il n’y avait que tante Isabelle pour chanter, dans la salle à manger, quand, il venait du monde, aux fêtes. « Tu te damnes, ma pauvre Isabelle ! » cela à propos de toutes sortes de livres, possédés, lus constamment, et qui