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LA COMMISSION DU SÉNAT

tages. « Cette réponse, dit-il, peut satisfaire tous les membres de la Commission. Quant à moi, elle ne me satisfait pas. » Et comme le très galant homme qu’est M. de Selves continuait à se taire, M. Clemenceau revint à la charge : « Je dis que cette réponse ne me satisfait pas, moi, à qui l’on a fait des confidences et qui ne les avais pas sollicitées. »

Avec beaucoup de bonne grâce et de tact, M. Léon Bourgeois coupa court à ce pénible incident. Les ministres se levèrent et se retirèrent. La séance fut remise au lendemain. Il fut convenu que je commencerais un rapport verbal sur les diverses dispositions du traité.

Avant de quitter le palais au Luxembourg, M. Caillaux appela dans le cabinet réservé aux ministres M. Clemenceau et M. de Selves. Ils échangèrent des propos assez vifs. Quelques minutes après, le bruit se répandit dans les couloirs du Sénat que le ministre des Affaires étrangères allait donner sa démission. Vers neuf heures du soir, M. de Selves remettait, en effet, directement à M. le président de la République une lettre très digne. « Je ne saurais, disait-il, assumer plus longtemps la responsabilité d’une politique extérieure à laquelle font défaut l’unité de vues et l’unité d’action solidaire. » Une demi-heure plus tard, ministres et sous-secrétaires d’État se réunissaient en conseil de cabinet, au ministère de l’Intérieur, sous la présidence de M. Caillaux ; ils prenaient acte de la démission de M. de Selves et décidaient de ne pas se retirer eux-mêmes.

Le mercredi 10, la première visite de M. Caillaux fut pour M. Delcassé, qui était son ministre de la Marine, comme il avait été antérieurement