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LE LENDEMAIN D’AGADIR

La commission sénatoriale se réunit dans l’après-midi. M. Léon Bourgeois et moi nous nous rendîmes auprès d’elle pour la remercier et prendre congé. Elle nomma, pour nous remplacer, M. Ribot président et M. Pierre Baudin rapporteur. Quelques minutes après, je revins comme ministre des Affaires étrangères, et je me mis à la disposition de M. Pierre Baudin pour faciliter et hâter la rédaction du rapport. La Commission acquiesça à mon désir d’aboutir promptement et dès le lendemain, M. Ribot me convoquait.

Le même jour, mardi 16 janvier, se tenait à l’Elysée, sous la présidence de M. Fallières, le premier Conseil des ministres. À deux heures, j’étais à la Chambre, où je n’étais pas venu depuis 1906 et où je me sentais un peu dépaysé au milieu de tant de visages inconnus. La déclaration fut écoutée avec une faveur insolite et, sauf le passage qui concernait la réforme électorale et qui provoqua, bien entendu, des mouvements divers, toutes les phrases furent vigoureusement applaudies à gauche, au centre, et à droite. On avait annoncé plusieurs interpellations, mais une seule était déposée par M. Thierry Cazes. « L’admiration, s’écria en plaisantant M. Sembat, a rendu les interpellateurs muets. » M. Thierry Cazes posa quelques questions : réforme électorale, impôt sur le revenu, orientation politique. Je répondis brièvement, en ajoutant que tous les membres du cabinet étaient des républicains de gauche, fermement attachés à l’idée laïque et à la suprématie de la société civile, et qu’à aucun moment l’union de toutes les forces républicaines, dans l’intérêt supérieur de la France, ne m’avait paru d’une plus urgente nécessité. La Chambre