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LA COMMISSION DU SÉNAT

si la guerre italo-turque devait encore durer quelques mois. » C’est ainsi que déjà les événements commençaient à se lier les uns aux autres et que du Maroc à Tripoli, de Tripoli à la péninsule balkanique, allaient se succéder et se répondre, comme des signaux d’alarme, les feux allumés par le destin.

Pour le moment, et avant même que l’Italie, désespérant d’arracher la paix à la Turquie dans les rudes batailles d’Afrique, eût porté la guerre dans la mer Égée et aggravé par là les risques d’un conflit général, la prolongation des hostilités suscitait de sérieux embarras à toutes les puissances qui étaient en relations d’affaires avec la Turquie. La France, en particulier, se trouvait dans une situation fort délicate. Elle avait de bonnes raisons de ménager les susceptibilités de l’Italie, car si le texte des accords de 1902 était resté secret, le sens général n’en était pas inconnu. Tout Français avait le ferme espoir que la sœur latine ne s’associerait pas à une agression contre nous, et nul n’oubliait qu’à Algésiras, malgré les indiscrètes sollicitations de l’Allemagne, le marquis Visconti-Venosta, plénipotentiaire italien, avait loyalement soutenu notre cause. Mais, d’autre part, l’intégrité de l’Empire ottoman n’était pas seulement pour nous un très respectable dogme diplomatique, consacré par des actes solennels, proclamé au Congrès de Paris, au Congrès de Berlin, à la conférence de Londres. C’était aussi la sauvegarde des grands intérêts moraux et matériels que la France avait en Orient. C’était en même temps, pour nos possessions islamiques, la meilleure garantie de tranquillité.

Nous souhaitions naturellement que l’atteinte