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LE LENDEMAIN D’AGADIR

votre discours au Sénat dans la discussion de l’accord franco-allemand et de vous remercier de m’avoir nommé avec tant de bienveillance. On m’a raconté qu’après votre discours, M. Clemenceau avait exprimé le regret d’être obligé de parler. Il s’est livré à une brillante fantaisie, mais, en fait, la discussion était close et si bien close que je doute qu’elle reprenne à la Chambre des députés sur les interpellations. Il serait fort heureux que l’on voulût bien mettre un terme à ce lessivage de linge sale qui fait au dehors un effet lamentable. Ici, la discussion au Sénat a paru trop longue, mais on s’est montré très satisfait du résultat et la confiance en vous s’affirme de plus en plus. »

Quelques jours plus tard, le 28, le baron de Lanken, chargé d’affaires d’Allemagne, venait voir M. Paléologue. Sous une froide enveloppe de courtoisie élégante et raffinée, le baron de Lanken, qui devait être un jour le bourreau de miss Cavell, était le type du Prussien rogue, orgueilleux et méchant. Il était le porteur ordinaire des mauvaises nouvelles et chaque fois que l’ambassade de la rue de Lille avait à présenter des observations désagréables, il arrivait dans les bureaux, en avant-coureur maussade[1].

« Je veux vous parler, dit-il à M. Paléologue, à titre privé et amical. Je dois vous signaler la fâcheuse impression qu’a produite sur mon gouvernement la divulgation des télégrammes que mon ambassade a expédiés à Berlin l’été dernier et qui auraient été déchiffrés par le ministère fran-

  1. V. dans le Lyon républicain du 12 octobre 1922 le récit fait par M. Messimy d’une visite menaçante de M. de Lanken au ministère des Colonies, le 14 mai 1911, à propos du Centre africain.