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LE LENDEMAIN D’AGADIR

Avais-je, du moins, la certitude que le traité du 4 novembre eût satisfait les ambitions de l’Allemagne et mieux disposé envers nous son opinion publique ? Loin de là. Dès la signature, il s’était trouvé chez elle, non seulement des pangermanistes, mais des hommes de presque tous les partis, pour crier au marché de dupes. Le secrétaire d’Êtat aux colonies, M. de Lindequist, avait quitté son ministère en claquant les portes, et sa démission avait été bruyamment approuvée par la Post, par le Berliner Tageblatt, par la Tæglische Rundschau, par la Gazette de Voss. La plupart des journaux allemands avaient accueilli l’accord par un débordement de mauvaise humeur. Ils déclaraient que la « tunisification » du Maroc par la France aurait dû être payée d’un prix beaucoup plus élevé. La National Zeitung intitulait un article : « Joie en France, deuil en Allemagne. » Les journaux les moins défavorables au traité s’en prenaient à l’Angleterre, qu’ils accusaient de nous avoir encouragés : « L’Allemagne, disait la Germania, n’oubliera jamais l’attitude d’hier : c’est l’Angleterre qui a forcé l’Empire à n’obtenir qu’un morceau du territoire congolais, dont la valeur reste douteuse. »

Après avoir félicité M. de Lindequist de sa détermination, le Journal de Berlin à midi, radical, ajoutait : « Les Français peuvent mettre maintenant à exécution leurs vœux de former au Maroc une armée noire qu’ils utiliseront dans la prochaine guerre européenne… Que pense M. de Bethmann-Hollweg ? A-t-il encore l’idée d’ün rapprochement avec la France ? Il peut exister une amitié entre certaines personnalités des deux pays, mais entre les deux nations, aucune amitié ne sera jamais