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LORD DERBY

étaient parfaitement résolus à les respecter, que leur unique désir était, après avoir vu le roi d’Espagne, leur cousin, de rendre hommage au représentant de la France avant de retourner servir la cause des Alliés dans les rangs de l’armée belge, où ils sont, l’un capitaine et l’autre lieutenant. J’ai répondu que, pour une visite ainsi limitée, je consentais à les recevoir. L’entretien a eu lieu hier matin ; il n’a pas été long et n’est pas sorti des bornes de la courtoisie et de la banalité la plus parfaite.

« Signé : Thierry. »


Je reçois officiellement lord Derby, le nouvel ambassadeur de Grande-Bretagne. Grande taille ; physionomie simple et bienveillante ; rondeur et bonhomie. Parle un peu difficilement le français.

L’autre jour, j’avais dit à Clemenceau : « J’ai vu Bertie. Il est malade, mais il a bon teint, il est gai et ne paraît pas avoir un cancer. » Clemenceau m’avait répondu : « On voit bien que vous n’êtes pas médecin. Il est perdu. Il a une obstruction intestinale produite par un cancer. Cela ne pardonne pas. » Je reçois justement de l’ambassade britannique une note très optimiste en pleine contradiction avec l’avis de Clemenceau. Si les pronostics politiques de ce dernier ne sont pas plus sûrs que ses pronostics médicaux !

Métin, qui revient du régiment territorial auquel il est resté affecté quelques mois, me rapporte qu’on se demande au front avec un peu d’inquiétude si l’on n’a pas laissé échapper une occasion de faire la paix. Barthou m’écrit dans le même sens. Tous deux sont d’avis que Clemenceau devrait s’efforcer rapidement d’arrêter cette campagne funeste.

J’ai fait connaître à Pichon, avant la réception