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SIGNES DE LASSITUDE DES ALLEMANDS

rasse d’un café. La préfecture de police nous annonce beaucoup de morts et de blessés. Je pars pour Belleville. Les rues grouillent de monde endimanché. Autour du point de chute, des milliers de personnes dont l’attitude est, d’ailleurs, parfaite. Heureusement les victimes sont moins nombreuses qu’on ne le croyait : un mort, un blessé auquel il faut amputer une jambe ; quelques autres blessés plus légers. Rien de plus. La femme du cafetier, qui a reçu un petit éclat derrière la nuque, me dit en riant : « Ce n’est rien. Comme je porte perruque, le coup a été amorti. »

Je me rends ensuite à l’hôpital Saint-Louis avec Ignace rencontré au carrefour. Un blessé que l’on conduit sur une civière à la salle d’opérations, me dit joyeusement : « Oh ! cela va bien, monsieur le président ; ce n’est pas encore pour cette fois. »

Les Allemands donnent des signes évidents de lassitude et aujourd’hui, ils échouent un peu partout. Ils se heurtent à la vigoureuse résistance des troupes du général Humbert.


Lundi 10 juin.

Clemenceau m’avait dit hier : « À demain matin » et, en effet, il avait convoqué le Comité de guerre pour ce matin à dix heures. Mais sans crier gare, il est parti avant l’aube pour les armées. Où ? Je ne sais. Pourquoi ? Je le sais moins encore. Le Comité s’est donc réuni sans lui et naturellement, on n’a pu examiner que des questions secondaires.

Klotz avait demandé qu’on portât à l’ordre du jour la proposition qu’il a faite de confier au payeur général comptable des armées le droit d’émettre des coupures divisionnaires pour le besoin de l’armée anglaise. Une note du G.Q.G. a élevé des objections contre ce système et concluait à ce que la Banque de France fût elle-même chargée d’émettre ces coupures. Mais Klotz, vou-