Dubost arrive, l’air un peu troublé. « Deschanel vient, me dit-il, de me téléphoner. Il est très ulcéré. On veut, paraît-il, nous empêcher de parler, lui et moi.
— Mais, répliquai-je, Deschanel m’a, au contraire, déclaré qu’il s’en rapportait à moi. A-t-il donc deux langages ?
— Non, mais il aura réfléchi. On nous a demandé à tous deux de parler et nous avons accepté. J’ai été invité par le Parlement.
— Comment ? le Parlement ? Mais Franklin-Bouillon se plaignait hier à moi que la Chambre n’eût pris aucune initiative. Le projet émanait de quelques personnes seulement et, du moment où il y a fête publique officielle, nationale, c’est au gouvernement de l’organiser.
— Oh ! le gouvernement, mon opinion est faite, c’est un gouvernement de brouillons. C’est Clemenceau qui ne veut pas que je parle.
— Pas du tout. Vous vous trompez. C’est, au contraire, moi qui lui ai fait connaître mon opinion.
— Cela n’empêche pas que ce soit lui qui veuille m’empêcher de parler. Ces jours-ci, il me faisait attaquer dans la Petite République, en me reprochant de n’avoir pas sévi contre M. Bonet-Maury ; or, le Sénat a été unanime à repousser toute mesure disciplinaire et sans moi, il n’y aurait même pas eu de réprimande. J’en ai assez, je ne puis laisser diminuer le Parlement ; j’ai un mandat, je l’accomplirai, ou bien je dirai qu’on a voulu étouffer le Parlement.
— Mais, dis-je, on veut si peu l’étouffer que vous pouvez parler à la Chambre de commerce américaine.
— À la Chambre de commerce ! Ce n’est pas un endroit digne d’un président du Sénat !
— Mais, dis-je, c’est une cérémonie militaire,