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LA VICTOIRE

Enfin nous distinguons quelques lumières et le képi de Mirman qui brille. À peine avons-nous mis pied à terre que nous sommes environnés d’une foule de réfugiés et de soldats américains. Mirman offre le bras à ma femme et nous nous frayons péniblement un chemin jusqu’à un baraquement qui sert de « foyer du soldat » et dans lequel les réfugiés ont été convoqués. À l’intérieur, tout ce monde de Thiaucourt s’entasse avec les soldats américains. Mirman monte sur un banc, harangue l’auditoire et me présente les réfugiés. J’escalade à mon tour le banc et, profondément troublé, je souhaite la bienvenue à tous ces braves gens au nom de la France. Je leur balbutie des paroles de réconfort et d’espoir. Vivats et acclamations. Des centaines de mains se tendent vers moi et à la sortie, il faut faire des prodiges d’adresse pour regagner nos autos. Lebrun a été retenu un peu en arrière. Nous l’attendons et, pendant que nous sommes seuls dans notre voiture, les soldats américains se précipitent et se succèdent pour nous serrer les mains et nous demander en souvenir quelques-unes des fleurs que ma femme a reçues au cours de notre tournée.

Nous repartons dans la nuit et par Pagny et Void, nous rentrons à Commercy à neuf heures et demie. Il y a alerte, les canons contre avions tonnent et nous entendons aussi des éclatements proches. Dix bombes ont été jetées et deux soldats blessés. La Cie de l’Est donne l’ordre de faire partir notre train. Un douloureux accident assombrit notre retour. Une auto militaire se jette sur notre locomotive à un passage à niveau. Un adjudant est gravement blessé.


Lundi 16 septembre.

Nous arrivons à Paris à huit heures et demie du matin.