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LA VICTOIRE

ment la tête. C’est autre chose qu’une revue du 14 juillet !

Je suis brisé d’émotion et les plus froids sont empoignés comme moi.

Notre cortège fait ensuite un long tour en ville pour revenir à la gare et nous recevons partout le même accueil. Où sont les Allemands ? En cherchant bien, on aperçoit quelques fenêtres closes et de très rares têtes qui ne se découvrent pas. Un gamin qui court auprès de notre voiture, surveille les chapeaux et quand ils ne se lèvent pas, il les abat d’un tour de main.

Nous revenons déjeuner dans mon train. Invités : les maréchaux de France, le maréchal Douglas Haig, le général Pershing, le général belge Gillain, le général italien Albrucci et Mirman, nommé préfet de la Moselle, le général de Maudhuy, gouverneur de Metz, qui me répète : « Je suis heureux, heureux. Si le bon Dieu me demandait ma place et m’offrait la sienne, je refuserais. »

Après déjeuner, nous nous rendons directement à l’hôtel de ville et nous montons dans une grande salle du premier étage, précédés et suivis de sénateurs, de députés et de nombreux officiers. Le maire, M. Prevel, m’adresse la parole et proteste de la fidélité messine. Je me sens de plus en plus en proie à un trouble sacré et j’ai grand’peine à répondre quelques mots dont les derniers arrachent des larmes à tous les yeux[1].

Nous redescendons sur le perron et nous y restons debout en face de la cathédrale dont les cloches sonnent à toute volée. Devant nous, à nos pieds, par un passage péniblement tracé au milieu d’une foule immense, défilent des délégations, les vétérans de 70, les maires des communes environnantes, les pompiers, les sociétés de gym-

  1. Messages et Discours, IIe volume, p. 63 (Bloud et Gay, éditeurs)