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LA VICTOIRE


Mardi 31 décembre.

Étienne, ancien ministre de la Guerre, m’apprend que le général Henrys a remporté le 29 décembre dans les Balkans une victoire éclatante et fait prisonniers 80 000 Bulgares de l’armée dite allemande, parce que commandée par des officiers allemands ; et, bien que Franchet d’Esperey eût rendu compte de cette victoire, le communiqué de Paris n’en a pas soufflé mot. Étienne, Franchet d’Esperey et Henrys s’en étonnent et croient à un parti pris de diminuer notre action à Salonique. Étienne est désolé que l’armistice ait été précipité et il trouve que les Allemands, n’ayant pas, dit-il, une mentalité de vaincus, resteront redoutables. Il a reçu des lettres d’officiers, cantonnés sur le Rhin, qui disent que les instituteurs allemands enseignent déjà la revanche.

Ce matin, court Conseil des ministres, provoqué par Clémentel, qui redoute une grève, s’il n’est pas autorisé à recevoir un syndicat de ses agents des Postes. Il obtient satisfaction et c’est une capitulation de plus, alors qu’il serait si simple d’appliquer dans leur lettre et dans leur esprit les lois de 1884 et de 1901 et d’interdire nettement le droit de grève aux fonctionnaires, au lieu de rester dans l’illégalité et de reconnaître par faiblesse des associations illégales. Je rappelle à Clemenceau la discussion à la Chambre en 1912 et les raisons que j’y ai données.

En Conseil, Clemenceau se plaint que Foch soit trop mou à l’égard des Allemands. « S’il ne croit pas, dit-il, devoir occuper le bassin de la Ruhr qu’il avait cependant d’abord proposé d’occuper, qu’il prenne au moins d’autres garanties. Je le lui ai, ajoute-t-il, conseillé hier. » Je réponds à Clemenceau que j’ai moi-même donné à Foch le même avis. « Alors, dit-il, c’est parfait ; comme je vais partir pour huit jours prendre un peu de