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LA VICTOIRE

blé et de matières utiles à la fabrication de munitions. Il faut, suivant eux, diriger sur le reste de la Russie tous les objets de ravitaillement, pour que l’Allemagne n’en profite pas. Je les engage à voir Clemenceau et Pichon, que je tiendrai au courant.

Plichon, député du Nord, est très inquiet du sort des otages emmenés par l’Allemagne.


Mercredi 13 février.

Ignace vient, dans la matinée, me conter un incident qui s’est produit hier à l’audience de l’affaire Bolo. Violette, cité comme témoin, a déposé que le 3 septembre 1917, Mornet avait rédigé un rapport annonçant un non-lieu ou à peu près. Mornet a protesté en disant que son rapport n’avait pas ce sens et il a ajouté qu’il l’avait sous la main. Me Albert Salle a demandé que la pièce fût versée aux débats et, sur le refus de Mornet, il a aussitôt écrit au général Dubail. Celui-ci en a référé à Ignace qui n’a pas cru pouvoir refuser la communication. Mais, a-t-il dit, j’y ai joint toutes les pièces connexes, notamment un rapport de Bouchardon, daté du mois d’août 1917, dans lequel le juge se plaint de s’être heurté à des difficultés exceptionnelles (rapport qui ne m’a jamais été communiqué) et toute la correspondance échangée entre le ministère de la Guerre, le ministère des Affaires étrangères et le général Dubail. De cette correspondance, dit Ignace, il résulte la preuve que Ribot a refusé de transmettre les commissions rogatoires, qu’il a écrit qu’on ne pouvait interroger les banques américaines si Bolo ne le demandait pas lui-même, et qu’on n’a renseigné l’instruction sur rien. Ribot, me dit Ignace, jouait un jeu très compliqué. Il avait engagé l’affaire Turmel dans des conditions aussi désagréables que possible pour Deschanel, et il voulait dès lors arrêter