Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/117

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la liberté de leur matinée et, l’après-midi, nous allons, Mme Poincaré et moi, les retrouver aux courses d’Auteuil. La pelouse est envahie. Le public, tourné vers la tribune, oublie les paris, dédaigne les chevaux et nous lorgne avec insistance. Après le steeple-chase militaire, nous traversons une foule en délire pour aller à pied jusqu’au pavillon où le thé est servi. Nous nous asseyons, le Roi, la Reine, le duchesse d’Uzès douairière, la princesse Marie de Grèce et nous, à une table séparée, et pas plus que la veille, nous ne soufflons mot des affaires politiques. « On ne s’imagine Platon et Aristote qu’avec de grandes robes de pédants. C’étaient des gens honnêtes et, comme les autres, riant avec leurs amis. » Pascal aurait pu ajouter, si, en écrivant cette pensée, il avait jeté les regards plus bas, sur les chefs d’État : « On ne s’imagine les Rois et les Présidents qu’avec des uniformes et des décorations, ou avec des parchemins à signer. Ce sont des gens qui se divertissent comme les autres et qui ne dédaignent pas de se reposer au grand air. »

Le soir, dîner au ministère des Affaires étrangères. M. Doumergue m’informe qu’il a trouvé sir Ed. Grey assez favorable à l’idée de conclure avec la Russie un accord naval analogue au nôtre. Assis pendant le repas entre le Roi et la Reine, je profite de ce double voisinage pour aborder, à mon tour, la question et pour exprimer à George V le désir de l’Empereur Nicolas : « Oui, me répond fermement le Roi ; ce serait très bien, si nous avions, nous aussi, des accords maritimes avec la Russie. Vous devriez en parler à sir Ed. Grey. »

Après le dîner, j’ouvre, en effet, la conversation avec le secrétaire d’État britannique, dans le