Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/120

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même sens que M. Doumergue. Sir Edward n’est pas encore tout à fait afïirmatif. « En Angleterre, me dit-il, il nous est assez difficile de conclure une entente officielle avec la Russie, parce que l’opinion du parti libéral est, dans l’ensemble, très opposée à tout accord avec un gouvernement autocratique. — Je comprends très bien la force de cette objection, répliqué-je. Nous sommes souvent frappés, nous aussi, des difficultés qu’une République comme la nôtre éprouve dans une alliance permanente avec une monarchie absolue. Nos institutions sont encore, si possible, plus éloignées que les vôtres de cette forme de gouvernement. Mais ce n’est pas une alliance que vous propose aujourd’hui le gouvernement impérial. C’est une simple entente, une entente navale défensive, comme celle que nous avons, vous et nous, et qui, limitée à des études techniques, laisse entière la liberté respective des deux pays. » Sir Ed. Grey me dit qu’il n’est pas personnellement hostile à cette idée, mais il faut qu’il confère avec M. Asquith. Il ajoute : « Il y a, en tout cas, intérêt à ne pas opposer un refus à la Russie. Nous pourrions commencer par lui communiquer les accords franco-britanniques, puisqu’elle désire les connaître. On attendrait ensuite qu’elle précisât ses propositions. Au surplus, il ne saurait être question de passer avec elle une convention militaire, l’Angleterre devant, le cas échéant, épuiser en France toutes ses facultés de coopération continentale. » Je rapporte, bien entendu, cet entretien à M. Doumergue. Il doit voir lui-même sir Edward Grey demain à la première heure.

Le vendredi 24 avril à la fin de la matinée, Mme Poincaré et moi, nous allons chercher le Roi